« Lavi nan bouk » et « Sonson » ont fait leur temps en Haïti. Ce sont deux grandes productions cinématographiques du monde rural qui ont marqué notre histoire audiovisuelle. Les courts métrages sont peu connus chez nous. Ceux qui traitent du milieu rural le sont encore moins.
Le nouveau court métrage du cinéaste haïtien Michel Dessources Jr, intitulé Ti toya, en hommage à la majestueuse prêtresse vodou Grann Toya, la protectrice de l’Empereur Dessalines, est une véritable révérence artistique à la résistance des femmes paysannes exposées aux violences et aux abus des hommes. Une résistance puisée dans la force de nos lointains esprits d’Afrique qui ont fait de nos ancêtres de vaillants combattants et qui, des temps immémoriaux à aujourd’hui, nous assistent dans le malheur empêchant que nous soyons des laissés pour compte, des sans-défense.
Ti Toya, le personnage principal dont le nom est aussi porté par le film, autant qu’il symbolise les courageuses petites paysannes haïtiennes, est une personnalité féminine, dotée d’une inébranlable force de caractère le jour et d’une puissance mystique invincible la nuit. Finies les impertinences masculines, Ti Toya est l’avenir de la femme paysanne haïtienne libérée : Femme seule, mais autonome, courageuse, fidèle à ses croyances mystiques, féminine, féministe, moderne totalement consciente, dans un monde de domination masculine, de ses droits à disposer pleinement de son corps tout en pouvant compter en dernier recours sur les cultes ancestraux, impitoyables et infaillibles.
Pari gagné également au niveau de la forme, Ti Toya donne lieu au cinéaste de proposer un décor réaliste à travers des photographies qui cristallisent le vécu du personnage autant dans son intimité la plus totale que dans son environnement le plus immédiat. La manière dont le paysage rural est campé par le cinéaste à travers ses montagnes, ses vallées et ses plaines, la musique traditionnelle en passant par les notes de Ti Jocelyne, la chanson culte de Tropicana, nous rappellent également le vécu réel des paysans du Massif de la Hotte ou de la vallée de l’Artibonite.
Un film bref mais immense, Ti Toya est une œuvre réaliste mise au service du fantastique pour mieux proposer un idéal de vivre ensemble fondé sur le respect absolu des droits de la femme dans le réel haïtien. Toutes les campagnes sérieuses contre toutes les formes de violences faites aux femmes en Haiti devraient inclure Ti Toya dans leur programme de projection et de ciné-débat.
Toute la puissance idéologique et esthétique du film, empreinte d’une profonde humanité, lui a déjà valu très heureusement d’être honoré et récompensé à travers le monde.
Ti Toya, qui se veut en fin de compte un hymne à la liberté féminine, à la liberté humaine tout court, a obtenu le premier prix du Little Haiti Brooklyn short film festival (2023) ainsi que le Prix du public au Festival Nouvelles Vues Haïti 2020. Par ailleurs, il est également en lice pour remporter d’autres prix de d’autres festivals dans diverses régions du monde, comme à Grenade dans les Caraïbes, à Los Angeles aux États Unis d’Amérique et en Angleterre sur le continent européen au Caribbean international film Festival qui se réalisera très bientôt au cours du mois de septembre prochain.
Succès à Ti Toya et à toute son équipe, en attendant avec plaisir de revoir sous peu une autre œuvre tout aussi puissante et admirable du cinéaste Michel Dessources Jr!
Richenel Ostine et Smith Augustin